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La Conspiration Des Poissons

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6 mars 2014

"Une plongée contemporaine"...Michel Cochet

 

« La conspiration des poissons » de Sabine Revillet, une plongée contemporaine

Michel Cochet – 16/02/14 – www.larevuereguliere.net

 

Parmi les révélations de cette rentrée, “La Conspiration des poissons” de Sabine Revillet est sans doute la plus inspirante. Odyssée en apnée dans un Paris sous-marin, ce “roman poème”, selon les mots de l’éditeur, nous raconte la noyade bienheureuse de Lucie. “Ni particulièrement celle-ci ni particulièrement une autre, je suis parisienne” dit-elle. “Je suis de la ville, dans la ville, et je sombre”. Le récit de Lucie se déploie en douces circonvolutions, tel un corps anonyme que les courants promènent et qui chute inexorablement vers le fonds. La voix nous parle, à nous peuple des océans, ou peuple toujours terrien qui percevrait en elle comme le chant d’une sirène. Lucie dit avoir perdu pied, à force de ne rien saisir, dans sa vie rien ne tient, aucune situation, aucun lien, les êtres fuient les uns après les autres comme précisément ces poissons qui un temps nous regardent, nous considèrent, puis imprévisiblement disparaissent.

C’est cette métaphore aquatique que Sabine Révillet file avec finesse, parlant d’une société ivre de l’infini mouvement de l’irrésolution, une société de tous les possibles où ne se trace aucun chemin, où tout s’efface dans un décor mouvant éclairé par les seules lumières du songe. Sabine Revillet affirme un goût très sûr pour la fantaisie et nous régale de mille anecdotes, composant le portrait d’un Paris magicien, faiseur de sortilèges. Elle nous épargne ainsi, avec bonheur, le énième journal d’une dépression, car Lucie n’est pas Ophélie, son récit n’est pas mortifère, Lucie ne veut pas mourir, elle veut vivre et elle vit, “ses aventures” dit-elle, comme un chapelet d’histoires auxquelles elle croit avec une foi désarmante, mais la malédiction de Lucie est celle-ci : dans ce monde qui châtoie d’une infinité de fictions, les histoires sont des bulles qui finissent par se perdre et crever au seul contact de l’air. Sabine Revillet nous conduit au coeur de ce trouble profond (le nôtre ?), celui d’une dérive paradoxalement enchantée, qui invite à l’oubli des grands fonds, à l’obscurcissement de la conscience comme un soulagement, un renoncement salutaire.

L’auteure fait le choix au final de nous ramener à la surface, par la longue description, précise et obsessionnelle, des aiguilles d’un vieux réveil marquant 3h30, le premier, nous dit Lucie, sans affichage lumineux ou numérique, l’ayant jamais faite sortir du sommeil. Lucie fait la découverte aussi soudaine que fulgurante d’une assignation au temps, l’idée est belle, peut-on y voir le possible énoncé de la vertu et de la raison ? La question semble être de génération et la réponse appartenir à notre époque, celle que nous croyons vivre, agglutinés, selon Lucie, en « bans soyeux et inutiles »… de poissons.

 

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