"REVILLET NOUS REVEILLE " de Ryz Desormais

REVILLET NOUS RÉVEILLE

Ils sont sous la surface. Parce qu’ils font les choses par en-dessous. Quelles choses me direz-vous. Les choses que conte Sabine Revillet. Des choses qui font des vagues, qui s’évaporent et tombent en pluie, reposent en terre et refont surface et s’en vont grossir le fleuve où se meuvent nos vies. Nos vies emplies, nos vies peuplées de ces êtres silencieux. Sans eux, nous sommes une eau morte, nous dit le nouveau roman de Sabine Revillet. Ils sont silencieux parce que contenus ; et la façon dont nous les contenons est ce qu’interroge ce roman. A chaque façon son personnage. Tous très dessinés, d’un trait affuté et léger, aux couleurs choisies, composant peu à peu, au fil des pages, un tableau bigarré de petites manies délicieusement absurdes, d’habitudes obsessionnelles évidement compulsives, d’irrépressibles troubles du langages au comique assumé. Tous ces gestes et actes auraient pu se contenter de définir les personnages mais Sabine Revillet a de bien plus grande destiné pour ces héros du quotidien empêtrés dans leurs angoisses. Leurs actions répétées et marginales – à la marge de la folie – sont le moyen par lequel s’opère la rencontre avec l’autre. Cet autre, leur semblable. La mécanique avec laquelle se déploie le roman est construite par la psyché des personnages et s’animent au moment de leur rencontre. Par elles, ils cessent d’être les stéréotypes de leur maux – le quotidien bouleversé laisse affleurer le drame. Les drames sont déjà là, en puissance, accrochant le lecteur, emmenant les protagonistes, nous entraînant vers leur bouleversement. L’ombre d’un poisson très rouge sous l’onde pure d’une baignoire trop blanche. Il n’en faut pas plus pour que l’imagination frétillante de Sabine Revillet s’écoule, l’air de rien, sortie d’un robinet anodin, et nous plonge, peu à peu, à notre insu, dans un océan jouissivement foutraque. Oui, il y’a conspiration. Une conspiration aux couleurs chatoyantes agite le fond de nos abysses obscurs. Sous la plume de Sabine Revillet, de cette conspiration, il y’a lieu de se réjouir. Elle nous dit combien nous sommes humains. Avec nos petits poissons dans la tête.

Ryz Desormais